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Professeur Bernadette Rogé
Psychologue, professeur de psychologie clinique université de Toulouse Le Mirail. Spécialiste internationalement
réconnue de l'autisme
J’ai visionné le film intitulé « Le mur » et j’y ai relevé des propos totalement erronés d’un point de vue scientifique et relevant d’une prise de position idéologique en
opposition avec l’intérêt des personnes atteintes d’autisme et de leurs familles :
L’autisme y est encore considéré comme une psychose, un refus de communiquer. L’organisation mondiale de la santé considère
l’autisme comme un trouble neurodéveloppemental et la haute Autorité de santé a adopté ce point de vue dans les recommandations pour le diagnostic de l’autisme.
La dépression maternelle serait responsable de l’autisme : aucune donnée ne vient étayer cette affirmation. Cette
déclaration concernant la responsabilité de la mère est pourtant assortie de considérations telles que « le symptôme qu’il lui est imparti d’avoir par le lien maternel », « une partie des gènes
vient de la mère, une partie vient du père et la mère rejette cette partie, je ne reconnais pas ce bébé, je veux l’éjecter ». La mère est incriminée : « la folie maternelle est à l’origine de
l’autisme », « l’enfant est aliéné à la mère », « il pense qu’il est le phallus de la mère », «la mère est trop chaude ou trop froide », « la mère est du côté animal, le père est du côté de la
culture ».Le père quant à lui serait là « pour interdire, protéger l’enfant du désir incestueux de la mère ». Le père « a fait l’enfant, la mère nie son existence. Il est comme un figurant. Quand
la mère considère la parole du père, l’enfant parle, si le père ne porte pas la fonction symbolique, il y a carence ». L’autisme proviendrait d’un état de fusion avec la mère.
Si l’on en croit ces affirmations, l’autisme s’installerait donc par un mécanisme psychologique. Tous les travaux de
recherche montrent au contraire que l’origine de ce désordre est neuro-développementale. Là encore on relève des propos dogmatiques : « tant qu’on est fusionné dans l’autre on ne peut pas parler
», « le cerveau… cette façon de concevoir la causalité de l’autisme est réductrice, les autistes sont malades du langage, ils ont une façon de se défendre de la langue ».
Les mères déjà tellement mises à mal par la difficulté qu’elles ont à élever un enfant différent n’ont pas à subir ce genre
de jugements dénués de tout fondement et pourtant si destructeurs.
Lorsque les traitements sont abordés, on y entend que sont préconisés l’attitude d’observation, le retrait, l’absence de
volonté éducative. Tout ceci est en contradiction flagrante avec ce que la communauté scientifique internationale préconise. Enfin, on apprend que la psychanalyse est en combat contre les
techniques cognitivo-comportementales pour maintenir la subjectivité et que les résultats scientifiques ne changent pas la pratique des psychanalystes. Pourtant, des travaux scientifiques
démontrent l’efficacité des techniques cognitivo-comportementales pour aider l’enfant à se développer et pour améliorer la qualité de vie des enfants et des parents.Lorsque l’on demande sur quoi
reposent toutes ces affirmations, la réponse est « çà vient des écrits psychanalytiques », ce qui confirme l’absence de fondements scientifiques et la référence à des textes qui sont des
élaborations intellectuelles dénuées de base empirique.
Les propos tenus traduisent une méconnaissance de l’autisme, une volonté de ne pas prendre en compte l’évolution des
connaissances en termes de causes de l’autisme et de traitements.Il s’agit d’une attitude contraire à l’éthique et qui doit être dénoncée. Elle contribue largement à la détresse des parents et à
la stagnation d’enfants dont le développement est entravé sévèrement si les interventions adaptées (qui font consensus au niveau international) ne sont pas appliquées