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5 juin 2012 2 05 /06 /juin /2012 15:42

 Retranscription d'un article paru le 04 Juin 2012 dans le magazine Maxi.

 

 

Malgré l'incompréhension des pouvoirs publics, Véronique sait qu'elle est la seule à offrir à Valentin les moyens de bien grandir.

propos recueillis par Catherine Siguret

 

"Ce qui ne trompait jamais, c'était ces regards de travers que parents d'élèves et enseignants nous lançaient à la sortie de l'école.Pour tous mon fils, qui parlait tout le temps, était bizarre. quant à moi, sa mère, j'y étais forcément pour quelque chose. Impossible de faire comme si cela n'avait pas d'importance. D'expérience je savais que ces murmures qui se faufilaient dans notre dos pouvaient avoir de graves conséquences : un signalement de l'aide sociale à l'enfance, qui pourrait envoyer mon petit garçon dans une de ces institutions où on se serait empressé de l'oublier.

 

J'avais deux filles aînées d'une vingtaine d'années et ma cadette encore à la maison quand Valentin est né de mon union avec mon nouveau compagnon. Si son père se persuadait que tout allait pour le mieux, les attitudes de Valentin m'inquiétaient. Il riait sans raisons, babillait sans cesse. A son entrée en maternelle il hurlait en arrivant à l'école et hurlait en repartant. Son institutrice ne cessait de me répéter : "Vous devriez consulter un médecin". Rien de plus agaçant pour moi, qui en avais consulté une multitude, tous incapables de me dire ce dont souffrait mon fils.

Un jour le père de Valentin est parti. Il n'avait plus la force de s'en occuper. Je ne lui en ai pas voulu. C'est vrai qu'en grandissant, Valentin s'est mis à parler, parler, au point qu'encore aujourd'hui c'est difficile de l'arrêter quand il est lancé. Il est incollable sur les insectes, se passionne pour la batterie et peut papoter des heures durant avec Kougan son perroquet. Si on attire son attention il regarde ailleurs un moment,avant de reprendre le fil de sa pensée. Au quotidien c'est très fatiguant mais dans notre famille, seule ma fille cadette qui vivait avec nous voyait ce qui clochait.

 

En seconde année de maternelle, sa nature bonne pâte a fait de Valentin le souffre douleur des autres. Je le retrouvai terrifié, roulé en boule dans un coin de la cour de la récréation. Comment supporter une chose pareille ? Après 6 mois de cet enfer que je lisais dans les larmes de mon fils, j'ai pris la décision de le déscolariser. C'est à cette époque que, sur internet, j'ai lu des choses intéressantes sur une forme particulière d'autisme, le Syndrome d'Asperger qui me semblait correspondre à ses symptômes.

La psychiatre qui voyait mon fils 3 fois par semaine ne voulait pas entendre parler de ce syndrome. A plusieurs reprises le ton est monté, jusqu'au jour où elle a fait un signalement au Procureur de la République. D'après cette accusation, non seulement j'étais une "mère pathologique", ce qui en gros signifiait que mon amour était nuisible à mon fils, mais en plus j'étais irresponsable parce que j'avais déscolarisé Valentin ! Pour les enquêteurs sociaux qui se sont succédés à la maison, il n'en fallait pas plus pour menacer de placer mon fils.

 

Je ne souhaite à personne de vivre ces mois interminables où la machine administrative ce met en branle pour vous enlever votre enfant. On n'en dort plus, on pense aux pires solutions comme prendre la fuite.

 

C'est ce que j'ai presque fait en quittant tout pour rejoindre ma fille aînée en Région Parisienne. Je me disais qu'à Paris je trouverais bien un médecin qui aiderait mon fils. Finalement un non-lieu a été rendu mais je savais que le problème risquait de survenir à nouveau

 

Ma chance a été de rencontrer les gens de l'Association sur le Syndrome d'Asperger qui m'ont orienté vers un psychiatre mieux informé , lequel m'a laissé un certificat qui ne faisait aucun doute : Valentin souffrait bien de ce syndrome. Ce diagnostic, que j'ai attendu 7 ans, nous a permis d'inscrire Valentin en CP pour qu'il apprenne à lire et à écrire. 

Cela aurait pu fonctionner si, quelques jours après la rentrée, mon fils n'avait dû subir 10 jours d'examen à l'hôpital Robert-Debré. Cette fois c'est le médecin scolaire qui a fait le signalement pour "défaut de soins", alors que mon fils était.. à l'hôpital !

Le non lieu est tombé en quelques semaines, le temps que je rapporte le certificat d'hospitalisation et le diagnostic : oui, mon fils n'est pas idiot, il est même très malin, mais il a besoin qu'on s'occupe de lui en permanence. Après ces coups durs, j'ai compris que c'était à moi d'offrir à Valentin la chance d'apprendre à son rythme. Je l'ai sorti de l'école et me suis mise à lui apprendre moi-même ce qu'il devait savoir.

 

De ce jour je suis devenue institutrice, psychologue et éducatrice spécialisée. Je suis suivie par l'Inspection d'Académie pour vérifier que Valentin n'est pas victime d'une mauvaise mère ni en "défaut de soins."

C'est même le contraire. Jamais l'Education Nationale ou même l'Aide Sociale à l'Enfance n'auraient pu offrir à Valentin un suivi sur mesure : des cours de natation ou de batterie, qui sont autant d'atouts pour l'aider à grandir.

 

Je fais avec mes seuls moyens : mon RSA de 500 euros et la pension de Valentin de 689 euros, qui ne sert qu'à ses besoins exclusifs.

 

Aujourd'hui mon fils sait lire et écrire, et rien ne s'oppose à ce qu'un jour il puisse vivre seul et trouver un travail. Ce jour là, personne ne me remerciera d'avoir rendu mon fils autonome plutôt que de l'avoir laissé à la charge de la société. Qu'importe ! Seul compte son bonheur. Peut-être pourrait-on seulement le laisser grandir à son rythme et cesser de tenter de le séparer de ceux qui l'aiment et luttent pour son avenir."

 

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commentaires

Z
Bonjour, <br /> <br /> Vous êtes une mère courageuse. Avoir affrontée seule toutes les machines judiciaires et autoritaires.
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