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3 avril 2012 2 03 /04 /avril /2012 11:42

 

Traduction de l'article publié sur la BBC News pour la Journée Mondiale de l'Autisme, 02 Avril 2012 : France's autism treatment "shame"

Par Elsa Bouet

 

 

La "honte" du traitement de l'autisme en France

 

Dans beaucoup de pays, la façon standard de s'occuper des enfants autistes est l'approche comportementaliste – les stimuler et les récompenser pour qu'ils développent les compétences nécessaires au fonctionnement en société – mais la France place toujours foi en la psychanalyse. Et un nombre de plus en plus grand de parents demande maintenant du changement.

 

Pour les personnes concernées par l'autisme, c'est un des plus sérieux problèmes de santé de notre époque.

Pendant des décennies la France a tourné le dos aux dernières avancées scientifiques, et a traité l'autisme comme une forme de psychose.

 Résultant de cela, des dizaines de milliers d'enfants ont été mal diagnostiqués – ou pas diagnostiqués du tout – et condamnés à des vies de misère.

 Jusqu'aujourd'hui, dans son approche de l'autisme, la communauté médicale française continue de faire confiance à la psychiatrie et la psychanalyse – longtemps après que le reste du monde ait changé pour des méthodes alternatives de traitement.

"C'est un déshonneur total", d'après Daniel Fasquelle, un député engagé dans ce problème.

"Chaque jour je suis contacté par des parents avec la même histoire – expliquant que l'autisme de leur enfant n'a pas été détecté à temps, qu'ils n'ont jamais eu le traitement dont ils avaient besoin.

"Des milliers d'enfants auraient pu être sauvés. Ils le font partout ailleurs. Pourquoi pas ici ? C'est la honte de la France."

Le conflit sur l'autisme en France a été tenu discret pendant des années. Mais récemment il est devenu public. Des associations indépendantes ont été créées, faisant pression en faveur d'un mouvement loin de la psychanalyse et de la psychiatrie et aux traitements comportementalistes qui prévalent ailleurs.

Début mars, ces groupes ont remporté une victoire importante - avec un rapport de la HAS qui met en question l'utilisation de la psychanalyse comme un traitement pour l'autisme. Mais les psychanalystes ne le prennent pas si facilement. De leur point de vue, le comportementalisme est une forme de conditionnement social superficiel qui n'aborde pas les causes premières - et ils sont en colère d'avoir été enfermés dans le rôle des méchants de l'histoire, quand leurs buts sont aussi sincères que ceux de leurs adversaires.

"Une chose qui ne paye jamais dans le domaine de l'autisme est le triomphalisme," dit Lauriane Brunessaux, une pédopsychiatre. "L'autisme est beaucoup trop complexe et nous le comprenons si mal." Aujourd'hui ce sont les comportementalistes qui sont triomphalistes. "L'approche comportementaliste de l'autisme a été développée dans les années 70 et 80 aux États Unis et au Canada et c'est maintenant la norme dans la majeure partie du monde.

Sous la méthode dénommée ABA (Applied Behavioural Analysis – analyse appliquée du comportement), l'autisme est traité comme un problème éducatif plutôt que médical.

Avec un ensemble de récompenses (qui peuvent être accordées ou retenues) – et avec beaucoup d'attention individuelle – les enfants peuvent apprendre à fonctionner en société, et être beaucoup moins un fardeau pour leur famille.

"Si vous les diagnostiquez tôt et leur donnez ensuite un traitement entre deux et sept ans, 70 % des enfants autistes peuvent acquérir des compétences linguistiques fonctionnelles. Ici en France, on est bien loin de ce chiffre," dit Fasquelle. "Et le même modèle continue plus tard dans la vie. Au Royaume-Uni, il y a 17 fois plus d'étudiants universitaires avec autisme qu'en France. C'est inacceptable."

L'objet du blâme – pour Fasquelle et les associations – réside dans une communauté médicale qui s'accroche à Freud.

"Aujourd'hui chacun sait que l'autisme est un problème neurodéveloppemental. Ce n'est pas une psychose ou des troubles psychiques," dit Muhamed Sajidi, le président de l'association Vaincre l'Autisme.

"Mais en France ce sont les psychiatres - lourdement sous l'influence de la psychanalyse freudienne - qui restent responsables. Et ils se sont coupés de tous les changements de notre connaissance de l'autisme." Sajidi a fondé l'association après que sa vie ait été "détruite", comme il s'est exprimé, par l'échec de la communauté médicale de diagnostiquer l'autisme de son fils Sami.

Pour lui, comme pour beaucoup d'autres, le pire est la façon dont la culpabilité a été rejetée sur les parents des enfants autistes, et particulièrement sur la mère.

"La première fois que je suis allé voir un docteur quand mon fils Gael (autiste) avait trois ans et que nous pensions qu'il y avait un problème, le psychiatre m'a demandé si je l'avais désiré - si cela avait été une grossesse désirée !" Dit Candy Lepenuizic, une femme britannique mariée à un Français.

"Ensuite elle a demandé quel genre de rêves j'avais eu pendant que j'étais enceinte de lui. Et elle a suggéré que la famille entière fasse une psychothérapie."

À ce moment je me suis levée et suis sortie. C'est seulement parce que j'avais été prévenue que cela pouvait arriver que je n'ai pas fondu en larmes."

De telles histoires d'horreur sont typiques dans les familles françaises d'enfants autistes.

"Toute l'idée était que c'était la faute à maman [en français dans le texte]. C'était la "maman réfrigérateur", ou c'était un problème avec la dynamique de la famille", dit Lepenuizic.

"Ils pensaient que si l'enfant n'arrivait pas à communiquer avec le monde extérieur, c'était à cause d'un trauma dans l'utérus ou dans les tous premiers moments de la vie. C'était un dysfonctionnement familial, et nous devions le soigner !"

Les critiques disent que cette emphase sur la psychanalyse et les relations ont fait que les enfants autistes n'ont pas été repérés avant qu'il soit trop tard. Et cela, à son tour, diminue les chances d'un traitement efficace.

Quelques 60% d'enfants autistes en Suède vont à l'école, dit Sajidi, président de " Vaincre l'Autisme".

"Aujourd'hui seulement 20% des enfants autistes en Frances sont à l'école, et souvent en temps partiel. Le reste est soit en hôpital psychiatrique, ou en centre médico-social, ou vit à la maison – ou en Belgique," dit Sajidi.

"Beaucoup de familles envoient leurs enfants en Belgique, où il est beaucoup plus facile de mettre en place des centres de traitement comportementaliste.

"Les choses changent maintenant, parce que les parents refusent d'être menés en bateau par les professionnels. Mais la vraie tragédie concerne les autistes adultes de France, dont beaucoup sont dans un état de totale incompréhension ou même d'auto-mutilaton.

"Soixante-quinze pour cent des familles avec enfants autistes finissent en divorce, et en général c'est avec la mère que reste la personne autiste.

"Aujourd'hui ces pauvres femmes vieillissantes s'occupent de leurs enfants autistes sans savoir ce qui leur arrivera quand elles mourront."

Si Sajidi et d'autres militants commencent à sentir le vent tourner, c'est parce que le ministère de la santé commence enfin à fonder des écoles pilotes comportementalistes, ainsi que des centres de diagnostic.

Dans son rapport récent, le ministère a aussi désapprouvé une pratique connue sous le nom de "packing" où les enfants autistes sont enveloppés dans des draps humides pour les reconnecter avec leurs corps. Les militants disent que ce traitement est à la fois barbare et inefficace.

Le problème fondamental, disent les militants, est que la profession psychiatrique résiste aux appels au changement, parce que le moins il y a de patiens, le moins ils gagnent.

"Ils ont un intérêt financier à institutionnaliser les enfants autistes," dit Sajidi.

Lepenezuic dit : "L'État paye. L'enfant ne va pas mieux – mais qui ça intéresse ? Il est pris en charge par l'état, et les docteurs se font beaucoup d'argent. Beaucoup changeraient-ils le système ?"

Mais de l'autre côté, de telles charges sont profondément rejetées.

Les psychiatres pour enfant comme Lauriane Brunessaux croient que les associations ont grossièrement distordu le débat, et sont engagés dans une bataille pour "discréditer les psychanalystes et toute la nation de l'inconscient".

Les défendeurs du système français disent que la situation n'a jamais été aussi uni-dimensionnelle que ne le clament les comportementalistes.

Avant tout, disent-ils, il y a plein d'histoires de réussites émanant du traitement psychanalytique de l'autisme. Elles n'ont simplement pas été bruyamment trompettées.

Deuxièmement, ce n'est pas comme si l'approche comportementaliste elle-même était au-delà de toute critique. Aux États Unis et au Canada, dit Brunessaux, il y a eu des études qui posent de sérieuses questions sur sa validité scientifique.

"La seule vraie référence du comportementalisme est l'expérimentation du choc éléctrique sur des rats effectuées par (le psychologue américain) Burrhus Skinner dans les années 40.

"De toute évidence les méthodes de récompense et de punition de nos jours sont totalement différentes. Mais c'est cela l'arrière-plan du comportementalisme," dit-elle.

Pour le psychanalyste français Eric Laurent, il y a un problème plus profond.

"Changer le comportement est une chose. Mais que faites-vous du trouble qu'il y a derrière ? C'est très bien de se concentrer sur les compétences qui peuvent être transmises par une approche comportementaliste, mais ça laisse là toute une dimension de l'image", dit-il.

Quant à l'accusation que les psychanalystes sont responsables des difficultés des familles, Laurent est également dédaigneux.

"L'idée que que vous ayez eu à attendre que des psychanalystes viennent pour qu'il y ait de la haine dans les familles est ridicule. La haine a toujours été là.

"La psychanalyse est utilisée comme un bouc-émissaire – même si nous ne devrions peut-être pas nous en offusquer, puisqu'être un bouc-émissaire est une partie du rôle de la psychanalyse," dit-il.

Ce qui met en colère les gens comme Brunessaux et Laurent est qu'alors que de leur côté du débat ils sont prêts à admettre l'efficacité du comportementalisme – comme une des différentes approches possibles de l'autisme – les comportementalistes sont dogmatiquement attachés à leur système et seulement le leur.

Qui que ce soit qui ait raison en fin de compte, ce que le conflit sur l'autisme montre peut-être le plus clairement est un changement dans la nature de la société française.

Autrefois, les familles faisaient ce qu'on leur disait. L'état était bienveillant, et avait des ressources massives à dépenser. Si les docteurs choisissent l'institutionalisation, alors qu'il y a-t-il à redire ?

Aujourd'hui c'est différent. Grâce à la transmission du savoir, à internet, au consumérisme et au déclin de l'esprit collectif – les familles pour la première fois se sentent encouragées à penser, et agir, par et pour elles-mêmes.

 

  • Qu'est-ce que l'autisme ?

L'autisme et le syndrome d'Asperger font partie d'une catégorie de troubles qui peuvent poser des difficultés avec la communication et les compétences sociacles, et qui peuvent mener à l'isolation et aux problèmes émotionnels

Trois principaux symptomes :

Difficultés avec l'interaction sociale – n'être pas conscient de ce qui est socialement approprié

Problèmes avec la communication verbale et non-verbale – ceux affectés peuvent être capables de parler fluidement ou, plus communément dans l'autisme, peuvent être incapables de parler

Manque d'imagination et de jeu créatif – comme ne pas apprécier prendre part à des jeux de rôles

 

  • L'autisme aux États-Unis

Pendant que la France se bat sur comment traiter les enfants autistes, les États Unis se demandent combien de gens sont affectés, et pourquoi.

Une étude par le Centre de Contrôle des Maladies (CDC) reporte que l'incidence du syndrome d'Asperger, de l'autisme ou du trouble envahissant du comportement est bien plus haut qu'on ne le pensait – un enfant sur 88 est probablement sur le spectre autistique, pas un sur 110 comme reporté précédemment.

"Ces nombres du CDC devraient tous nous réveiller," dit Lawrence Korchnak, vice-président de l'Autism Society dans le Maryland.

La majeure partie du changement a été attribuée à une meilleure détection dans les communités afro-américaines et hispaniques. Mais que ce soit l'unique raison est impossible à dire, dit Craig J Newshaffer, directeur de l'institut de l'autisme AJ Drexel en Philadelphie.

"Il nous reste à nous demander si une partie de cela pourrait être dûe à une réelle augmentation du risque," dit-il.

 

  • La mère réfrigérateur

Des années 50 aux années 70, l'autisme était fréquemment attribuée à la frigidité émotionnelle du côté de la mère

Dans un journal de 1949, le psychiatre Leo Kanner suggère "froideur parentale, obsessionnalité, et un type mécanique d'attention aux besoins matériels uniquement" laissent les enfants dans des "réfrigérateurs" et les fait se replier et "chercher le confort dans la solitude"

Certains expert qui croient que l'autisme est un trouble psychologique continuent de considérer les interactions parentales défaillantes comme la source du problème

 

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P
"Mais la vraie tragédie concerne les autistes adultes de France, dont beaucoup sont dans un état de totale incompréhension ou même d'auto-mutilaton.<br /> "Soixante-quinze pour cent des familles avec enfants autistes finissent en divorce, et en général c'est avec la mère que reste la personne autiste.<br /> "Aujourd'hui ces pauvres femmes vieillissantes s'occupent de leurs enfants autistes sans savoir ce qui leur arrivera quand elles mourront"<br /> Il y a pas mal de choses avec lesquelles on peut, même si l'on admet que la psychanalyse n'a rien à faire dans la prise en charge des autistes, ne pas être tout à fait d'accord. Mais sur la<br /> citation que je met entre guillemets, ça oui, c'est dramatique et très vrai. Oui les hommes "se barrent" courageusement, souvent. Je ne sais ce qu'il en est à l'étranger. Je ne suis pas sûr que ce<br /> ne soit qu'une spécialité française. Et puis oui, ça c'est un problème quasi quotidien professionnellemnt pour moi, le cas des adultes autistes. Je suis assez pessimiste sur ce point, à peu près<br /> tout le monde, sauf les parents, s'en fout.
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